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26 • Extrait 5

Or il est incontestable que – semblable à ces impressions fugitives et frappantes, d’autant plus frappantes dans leurs retours qu’elles sont plus fugitives, qui suivent quelquefois un symptôme extérieur, une espèce d’avertissement comme un son de cloche, une note musicale ou un parfum oublié, et qui sont elles-mêmes suivies d’un évènement semblable à un évènement déjà connu et qui occupait la même place dans une chaîne antérieurement révélée, semblables à ces singuliers rêves périodiques qui fréquentent nos sommeils – il existe dans l’ivresse non seulement des enchaînements de rêves, mais des séries de raisonnements, qui ont besoin, pour se reproduire, du milieu qui leur a donné naissance.

Si le lecteur m’a suivi sans répugnance, il a déjà deviné ma conclusion : je crois que, dans beaucoup de cas, non pas certainement dans tous, l’ivrognerie de Poe était un moyen mnémonique, une méthode de travail, méthode énergique et mortelle, mais appropriée à sa nature passionnée.

Le poète avait appris à boire, comme un littérateur soigneux s’exerce à faire des cahiers de notes.

Il ne pouvait résister au désir de retrouver les visions merveilleuses ou effrayantes, les conceptions subtiles qu’il avait rencontrées dans une tempête précédente ; c’étaient de vieilles connaissances qui l’attiraient impérativement, et, pour renouer avec elles, il prenait le chemin le plus dangereux, mais le plus direct.

Une partie de ce qui fait aujourd’hui notre jouissance est ce qui l’a tué.