27 • Extrait 6
Poe est l’écrivain des nerfs, et même de quelque chose de plus – et le meilleur que je connaisse.
Chez lui, toute entrée en matière est attirante sans violence, comme un tourbillon.
Sa solennité surprend et tient l’esprit en éveil.
On sent tout d’abord qu’il s’agit de quelque chose de grave.
Et lentement, peu à peu, se déroule une histoire dont tout l’intérêt repose sur une imperceptible déviation de l’intellect, sur une hypothèse audacieuse, sur un dosage imprudent de la Nature dans l’amalgame des facultés.
Le lecteur, lié par le vertige, est contraint de suivre l’auteur dans ses entraînantes déductions.
Aucun homme, je le répète, n’a raconté avec plus de magie les exceptions de la vie humaine et de la nature – les ardeurs de curiosité de la convalescence, les fins de saisons chargées de splendeurs énervantes, les temps chauds, humides et brumeux, où le vent du sud amollit et détend les nerfs comme les cordes d’un instrument, où les yeux se remplissent de larmes qui ne viennent pas du cœur -, l’hallucination laissant d’abord place au doute, bientôt convaincue et raisonneuse comme un livre, l’absurde s’installant dans l’intelligence et la gouvernant avec une épouvantable logique, l’hystérie usurpant la place de la volonté, la contradiction établie entre les nerfs et l’esprit, et l’homme désaccordé au point d’exprimer la douleur par le rire.
Il analyse ce qu’il y a de plus fugitif, il soupèse l’impondérable et décrit, avec cette manière minutieuse et scientifique dont les effets sont terribles, tout cet imaginaire qui flotte autour de l’homme nerveux et le conduit à mal.